Discours d’Edouard Philippe à la Convention nationale des avocats – Vendredi 20 octobre 2017

Seul le prononcé fait foi
 
 
Monsieur le Maire,
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les chefs de cour et juridiction,
Monsieur le Bâtonnier de Bordeaux,
Monsieur le Bâtonnier de Libourne,
Monsieur le Président du Conseil national du Barreau,
Mesdames et Messieurs les Avocats,
Mesdames et Messieurs,
 
Le 6 octobre dernier, j’étais au Tribunal de Grande Instance de Nantes et je confiais à des juges judiciaires que j’avais moi-même été juge. Je leur précisais immédiatement après, « juge administratif », pas juge judiciaire. Juge administratif mais juge quand même. Et au moment où je leur faisais cette confidence qui n’en était pas une car après tout, c’est de notoriété publique, je n’imaginais pas que trois semaines après, j’allais confier à des avocats que j’avais également été deux fois dans ma vie professionnelle avocat. J’ai été deux fois dans ma vie professionnelle avocat et j’ai cessé deux fois d’être avocat. La première fois, c’est à cause de vous, Alain JUPPE. J’étais heureux dans mon cabinet, ça marchait bien et vous avez été nommé ministre d’Etat, ministre du Développement durable et vous m’avez appelé. Vous m’avez dit : ça serait bien que vous veniez.  J’ai donc tout planté : mon cabinet, mes clients, mes dossiers pour, du jour au lendemain, venir travailler avec vous, cher Alain, et pour commencer une vie nouvelle, longue, intenses, qui en l’occurrence dura six semaines puisqu’au bout de six semaines, l’aventure cessa. Je n’en garde aucune amertume et je dois dire que je le referais demain si vous me le demandiez. 
 
La deuxième fois où j’ai cessé d’être avocat, c’est quand là encore la politique m’a ressaisi, quand je suis devenu député. On peut être avocat et député mais il m’est apparu à l’époque qu’il était probablement préférable de choisir de se faire omettre du barreau, je me voyais mal discuter d’amendements et faire la loi.
 
J’ai été juge donc, j’ai été avocat et si j’ai cessé de l’être plusieurs fois, je n’ai jamais cessé d’aimer le droit, l’histoire du droit, l’épaisseur du droit, sa capacité à nous permettre de marier à la fois des très grands principes et des réalités concrètes, à concilier des adages ancestraux et parfois des adages hérités d’un droit ancien, rédigés en latin et des concepts au moment même où ils commencent à se façonner. Il y a dans cette capacité de la matière juridique à embrasser le temps très long et la nouveauté, le principe et le particulier, quelque chose qui d’une certaine façon, cher Alain JUPPE, me fait penser à la politique avec un grand P, à la façon de gérer les publics et de s’intéresser aussi bien aux détails qu’aux grands principes. Et c’est pour ça que dans ma vie professionnelle, j’ai jusqu’à présent navigué de l’un à l’autre sans jamais regretté mes choix et en me disant toujours qu’il y aurait un après.
 
Le droit donc qui est, non pas le miroir de l’âme mais le miroir des passions humaines, des passions qui sont parfois féroces parce qu’avec le droit, on touche à la texture même de la société. Il n’est donc pas étonnant que le droit évolue avec la société, parfois pas assez vite, parfois trop vite aussi, ou en tout cas trop souvent. Toujours est-il que le droit épouse les soubresauts de la société, les contestations et bien sûr ses transformations. Et il ne vous a pas échappé qu’en matière de transformation, la France était engagée depuis quelques mois dans un exercice et dans un processus intense. Ces transformations se traduisent dans notre pays comme c’est souvent le cas, par des textes de loi, des textes que le Parlement vient d’adopter ou s’apprête à adopter – je pense évidemment aux ordonnances qui réforment le code du travail  et qui seront très prochainement soumises au Parlement pour ratification, je pense à la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, je pense évidemment à la réforme de la fiscalité que le Parlement examine en ce moment même dans le cadre de projet de loi de finance pour l’année 2018.
 
D’autres textes très importants qui concernent évidemment nos concitoyens mais qui vous concernent au premier chef, seront également bientôt débattus : un projet de loi reconnaissant le droit à l’erreur dans les relations entre les administrés et la puissance publique en général, un projet de loi relatif à l’asile et à l’immigration, un projet de loi relatif au logement, un projet de loi adaptant notre loi Informatique et libertés aux nouvelles règles européennes de protection des données, sans oublier bien sûr –  j’aurai l’occasion de revenir et je sais que la Garde des Sceaux l’a déjà évoqué – les textes en matière de droit et de procédure pénale ou encore de procédures civiles.
 
Tous ces nouveaux textes, tout ce droit qui vient s’additionner à celui qui existe, parfois le remplacer, parfois le compléter, vous allez le pratiquer, le faire vivre, le confronter à la réalité. Vous allez, je l’espère, en apprécier la cohérence, la robustesse et les bienfaits et je devine qu’en disant cela, je ne suscite aucune espèce de réaction dubitative de votre part.
 
C’est difficile de bien écrire la loi, très difficile et je ne suis pas sûr que nous le fassions suffisamment bien. Je ne suis pas toujours certain que la procédure législative, telle qu’elle existe, nous garantisse une qualité dans la rédaction des textes législatifs à laquelle pourtant nous aspirons tous. En vérité, je pense qu’il est dans l’intérêt absolument collectif que la loi soit bien écrite, ce qui n’est pas toujours le cas, en dépit des efforts des Parlements et de l’administration. Quand j’en plaisante, je n’en plaisante pas parce que ça ne serait pas un sujet sérieux. La loi est trop souvent bavarde, elle est trop souvent déclarative non pas de droits mais de principes qui se veulent grands et qui sont souvent très contingents.
 
La loi mériterait, Mesdames et Messieurs les Avocats, d’être mieux rédigée, plus concise, plus ferme, plus claire, plus lisible, plus applicable. Je pense que les parlementaires en sont convaincus mais le système commun dans lequel nous sommes entrés vous et nous – les juges, les avocats, le législateur, l’administration – est un système qui ne va pas dans le bon sens : les lois sont plus longues, les articles plus lourds, et pas toujours plus clairs. Vous voyez bien qu’il y a là quelque chose pour lequel je n’ai pas complètement la solution mais qui mériterait dans le bien commun et pour renforcer d’une certaine façon le pacte républicain, que nous nous y attelions. Et puisque vous avez indiqué que j’étais le premier Premier ministre à venir dans ces circonstances m’adresser à vous puisque j’espère que les conditions de cette expression ne me conduiront pas à être le dernier Premier ministre à s’exprimer ainsi, j’aimerais qu’à l’occasion des travaux que vous engagez, nous puissions avec le Parlement, avec le gouvernement, essayer d’améliorer notre façon d’envisager la rédaction de la loi. Je pense que ce serait d’intérêt commun, c’est un exercice difficile mais il est indispensable.
 
Ce droit que nous allons produire, même imparfait, il est entre vos mains, il est entre les mains des avocats qui doivent le faire vivre et le transformer en réalité. Le profond mouvement de transformation que j’évoquais il y a quelques instants, va évidemment concerner la justice parce que vous savez qu’elle n’est pas un service public comme les autres, même si je me méfie de cette formule – je ne connais pas de service public comme les autres, ils ont tous leur place, tous leur utilité – mais enfin, elle est d’une nature évidemment particulière. Camus disait : « Nous sommes tous des cas exceptionnels, nous voulons tous faire appel de quelque chose ». Parce que les justiciables, tous autant que nous sommes, attendent de la justice ce qu’il y a parfois de plus important dans la vie d’un homme ou d’une femme et je ne parle pas que de la reconnaissance d’un droit ou d’une innocence, même si c’est évidemment capital, je parle de l’apaisement d’une situation familiale difficile, je parle du règlement d’une succession douloureuse, je parle de l’avenir d’une PME. Face à cette détresse, face à cette violence inévitable probablement des rapports humains, la justice est un puissant ferment de pacification et j’ajouterai même un puissant ferment d’espoir. Et si cette transformation la concerne, c’est aussi que la justice française souffre et avec elle le justiciable. Trop lente, trop complexe, trop éloignée, vraies ou fausses, les critiques fusent et la défiance parfois s’installe. Vous savez combien cette incompréhension est mal ressentie, par tout le monde – juges, avocats, justiciables – et vous êtes évidemment en première ligne dans un dialogue qui s’apparente parfois à un dialogue de sourds.
 
Le 6 octobre dernier, je vous le disais, j’étais à Nantes et le bâtonnier de Nantes évoquait durant la table ronde que nous avions organisée au palais de justice à quel point les délais d’attente provoquaient souffrance et désarroi chez les clients. Cette situation évidemment particulière, reflète une vérité malheureusement générale qui n’est pas tolérable. Je ne veux pas désigner de coupables, d’abord parce que désigner des coupables de manière arbitraire devant quatre mille avocats, ce n’est sans doute pas une très bonne idée et ensuite parce que comme je l’ai dit là-bas, quand un grand service public comme la justice ne fonctionne pas aussi bien qu’il le devrait, ce n’est pas toujours du fait de celles et de ceux qui sont chargés de son fonctionnement et qui participent à son fonctionnement. Le problème est évidemment plus large. Il est ailleurs et notamment dans le manque de moyen. Nous avons commencé par là, en proposant dans le projet de loi de finance pour l’année 2018, actuellement débattu au Parlement, une hausse de 3,9 % du budget de la justice. 3,9%, certains diront que c’est beaucoup, d’autres diront que ce n’est pas assez – et ils ont probablement raison d’ailleurs les uns et les autres, c’est à la fois beaucoup et probablement pas assez compte tenu des immenses chantiers qui nous attendent  et compte tenu des immenses défis que nous devons relever – mais dans un budget qui est contraint par des engagements que nous avons souscrits et que nous allons respecter, ce chiffre traduit une priorité et un constat : celui que les moyens ne régleront pas tout mais qu’il faut plus de moyens. Nous allons assumer cette hausse de moyens et faire en sorte que ce grand ministère bénéficie d’un peu plus d’argent mais le problème n’est pas simplement un problème de moyens, il est aussi peut-être venu d’un manque de volonté ou de méthode politique.
 
Dans le choix de la méthode, une des raisons pour lesquelles certaines réformes n’ont pas fonctionné, c’est qu’elles ont été souvent lancées dans la précipitation, sans concertation, sans vision d’ensemble. Cette concertation, cette vision d’ensemble, cette volonté d’inclure le plus grand nombre dans la définition du constat et l’élaboration des solutions qui permettent de remédier aux problèmes identifiés, sont ce qui distingue la réforme traditionnelle et le projet de transformation que nous voulons mettre en œuvre aujourd’hui. C’est aussi la raison pour laquelle nous allons faire appel à votre mission multiséculaire d’auxiliaires de justice, « d’auxiliarus » qui signifie comme le rappelait, je crois, madame la Garde des Sceaux : « dont on tire secours », pour nous aider à conduire et réussir cette transformation.
 
Madame BELLOUBET, Garde des Sceaux, ministre de la Justice, a je crois hier indiqué quels étaient les cinq chantiers de la justice que nous voulions et nous avions lancés, je ne vais pas y revenir. Mais je voudrais dire un certain nombre de choses sur ces chantiers, ils sont importants. D’abord j’ai voulu que dans le cadre de cette réflexion, nous partions de la réalité vécue dans les juridictions et dans les cabinets parce que vous êtes plus que des auxiliaires de justice, vous êtes les auxiliaires des justiciables et les justiciables par votre intermédiaire vont pouvoir faire entendre leur voix, leurs doutes, leurs frustrations et aussi leurs souhaits.
 
Je me contenterai d’évoquer deux de ces cinq chantiers parce qu’ils touchent plus pratiquement aux conditions d’exercice de votre activité : celui de la transformation numérique de la justice et celui de la réforme territoriale. Le premier chantier, c’est celui de la transformation numérique de la justice ; une transformation qui, faute d’impulsion et de moyens suffisants, reste assez largement à conduire. Nous allons y consacrer des moyens importants dans le cadre du projet de loi de finance pour 2018 et des moyens importants dans le cadre des projets de loi de finance qui suivent. Nous allons en profiter pour regarder de manière précise ce qu’il est possible de faire en termes de suivi des procédures par les justiciables, de dématérialisation et d’organisation du travail pour les avocats, pour les magistrats, pour tous ceux qui concourent à la chaîne, qu’elle soit civile, pénale, à tous ceux qui vivent et qui font vivre la justice.
 
Ce chantier capital, structurant qui va nous permettre non pas simplement d’évoquer les questions d’organisation mais qui nous permettra aussi d’aborder les questions de fond, de droit, s’inscrit dans la démarche plus large « action publique 2022 », qui concerne tous les services publics, que nous avons mise en œuvre. Cette démarche prévoit d’ici 2022, la numérisation de l’intégralité des procédures civiles et pénales pour simplifier la vie, pour simplifier votre vie et surtout pour gagner du temps dans vos relations. Le thème de votre Convention nationale, « Economie numérique et territoires », montre que vous avez saisi les enjeux du numérique et vous savez, vous l’avez dit, que cette transformation vient bousculer l’organisation traditionnelle de votre profession, elle peut venir bousculer son financement, ses règles de déontologie. Je veux dire, comme vous l’avez indiqué, que la relation numérique qui va se développer et s’imposer, ne remplacera jamais et ne doit pas remplacer la relation humaine avec celui qui a besoin d’un conseil juridique, non plus d’ailleurs qu’elle ne doit faire cesser la relation humaine avec le juge qui tranche le litige. Oui au numérique en ce qu’il facilite, non au numérique en ce qu’il interdirait le contact humain et la dimension humaine de la justice avec tout ce qu’elle apporte en positif.
 
Je sais que de nombreux avocats investissent le champ de la « legal tech » comme on dit. Je pense qu’il faut y voir là un potentiel extraordinaire de développement,  certains identifient quelques risques peut-être, je suis d’avis de ne pas s’arrêter aux risques et d’avancer résolument en préservant les principes qui vous animent. Le numérique, ça n’est pas seulement un marché pour les avocats, c’est aussi un moyen de garantir l’accès au droit pour nos nouveaux citoyens et au-delà, un accès facilité à des modes alternatifs de résolution des litiges (la médiation, l’arbitrage). Votre profession est engagée pour répondre à cette demande de justice sans cesse grandissante et le numérique est évidemment un des instruments de cette réponse.
 
Le second chantier que je veux aborder avec vous, c’est celui de l’organisation judiciaire. Je connais la sensibilité du sujet. Je voudrais avant de l’aborder, apporter quelques précisions.  J’ai entendus les inquiétudes qui se sont exprimées parmi les avocats à Metz, à Nantes, à Sarreguemines, à Thionville au sujet de la carte judiciaire. Ces inquiétudes et elles sont légitimes. Je l’ai dit lorsque j’étais dans un tribunal de grande instance d’une grande capitale régionale, je le répète ici devant vous, nous conserverons les implantations actuelles des sites judiciaires. Nous avons demandé à deux anciens élus, à deux avocats, un homme de gauche, un homme de droite, deux anciens présidents de la Commission des lois de l’Assemblée nationale, Dominique RAIMBOURG et Philippe BOUILLON, de mener cette réflexion. La ligne de conduite que j’ai fixée, est claire : l’institution judiciaire ne doit pas déserter les territoires et nous ne voulons pas d’une justice sans contact. Je souhaite que partout, on renforce les services d’accueil des justiciables. Il m’apparaît qu’il existe un espace de liberté, de souplesse qui doit nous permettre de nous organiser plus efficacement – c’est dans notre intérêt collectif – pour tenir compte des possibilités offertes par le numérique pour s’adapter à la spécialisation accrue des contentieux quand il y a eu lieu de le faire et pour garantir une gestion efficace, optimale de l’administration de notre justice. On peut se montrer ambitieux, audacieux, astucieux même, sans pour autant faire table rase du passé. C’est ce nouvel équilibre que je vous propose aujourd’hui de construire ; ça exigera des échanges, des réflexions, j’y suis prêt. C’est justement l’intérêt de cette méthode dite des chantiers de la justice.
 
Un dernier mot peut-être sur un sujet qui ne fait pas l’objet d’un chantier proprement dit mais qui se trouve au cœur de notre système judiciaire et qui est une préoccupation souvent évoquée : l’aide juridictionnelle. Depuis 4 ans, l’Etat conduit une réforme progressive de l’aide juridictionnelle dont les objectifs sont de simplifier, de mieux rétribuer les avocats, de trouver de nouvelles ressources, de contractualiser aussi avec les barreaux pour adapter l’aide aux spécificités. Ces efforts ont, je crois, porter des fruits. Malgré tout, le coût de l’aide juridictionnelle continue d’augmenter pour de bonnes raisons d’ailleurs : parce qu’on protège de mieux en mieux les libertés sans doute, parce que les justiciables demandent de manière plus systématique l’assistance d’un avocat. C’est pourquoi, pour continuer de protéger les justiciables les plus fragiles, nous devons et nous devrons remettre l’ouvrage sur le métier.
 
D’ici quelques jours, le gouvernement demandera à une mission conjointe de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection générale de la justice de travailler sur ce sujet. Ses conclusions devront m’être rendues d’ici le 15 janvier. Il ne s’agit pas d’ajouter un rapport aux nombreux rapports qui se sont penchés sur le sujet mais je voudrais que nous menions une réflexion plus opérationnelle en n’écartant à ce stade aucune piste. Je voudrais en citer les principales en indiquant bien que nous n’en écartons aucune. Il y a la possibilité d’étendre la prise en charge des frais des justiciables par l’assurance de protection juridique, en renforçant la solidarité de l’aide juridictionnelle.  Autre piste évoquée, notamment par le Président de la République durant la campagne : la création des structures d’avocats dédiées à l’aide juridique ainsi que la possibilité de salarier des avocats pour accomplir des missions d’aide juridictionnelle. Enfin, certains plaident en faveur de la création dans les universités et les écoles d’avocats, de structures comparables aux internats dans les hôpitaux. Ce que je veux dire en citant ces pistes dont je comprends qu’elles suscitent des réactions, c’est que je veux mettre, lorsque j’engage une discussion, toutes les hypothèses sur la table pas pour les retenir toutes mais pour qu’elles soient toutes débattues, même celles qui spontanément peuvent susciter de l’incompréhension ou des oppositions.
 
Je vous livre ces réflexions qui ne prétendent pas à l’exhaustivité et je compte vraiment sur vous, sur la structuration de notre profession, sur votre aide, sur votre connaissance intime du fonctionnement de la justice, pour les affiner justement, pour les adapter aux besoins que vous constatez sur le terrain, pour ne pas oublier que certaines solutions peuvent être différenciées sur les territoires. Je crois que c’est monsieur le Bâtonnier de Bordeaux qui déclarait récemment que votre profession connaissait sa révolution industrielle ; c’est au fond un bon mot parce qu’il désigne bien l’étendue des défis qui sont les nôtres, qui sont les vôtres, pour transformer notre justice.
 
Vous avez indiqué, avant que je prenne la parole, avoir des requêtes. Il se trouve qu’administrativement, je suis encore pour quelques temps, maître des requêtes ; c’est un hasard. Une requête, ça s’instruit, donc je vais instruire votre requête. J’observe que vous avez mentionné le mot d’espoir ; l’espoir d’être entendu et l’espoir de pouvoir envisager une discussion précise et sérieuse, vous avez bon espoir. Moi aussi. Et nous discuterons des requêtes que vous avez formulées. Nous le ferons en toute transparence bien entendu et nous le ferons aussi dans le plus grand sérieux et avec l’ensemble des éléments qui doivent être convoqués pour répondre à votre question.
 
Mesdames et Messieurs, avant de vous quitter, je voudrais vous remercier très chaleureusement de votre accueil et par votre intermédiaire, remercier aussi les Bordelais et Monsieur le Maire. Bordeaux est une grande ville de droit, en tout cas depuis la création par Charles VII de la Curia suprema Burdigale.  Bordeaux est une grande ville d’humanistes et d’hommes de lettres dont beaucoup d’ailleurs étaient des juristes. Bordeaux est aussi une grande ville d’hommes d’Etat et pour la petite histoire, j’ai découvert en préparant ma visite, qu’un des maires de Bordeaux, Jacques II de GOYON, était seigneur de Matignon, ce qui – il faut bien le reconnaître – ne s’invente pas !
 
Mais vous comprendrez sans doute pourquoi – sans citer ici un ancien locataire de Matignon, sans faire référence en aucune manière au Maire actuel – Bordeaux reste pour moi la ville de Montaigne et de La Boétie, celle d’une amitié profonde, respectueuse et d’une affection pudique. Et pour cette raison, Bordeaux est infiniment cher à mon cœur.
Discours d'Edouard Philippe à la Convention nationale des avocats – Vendredi 20 octobre 2017

Author: Redaction