Discours de Bernard Cazeneuve à Grenoble

Discours de M. Bernard CAZENEUVE, Premier ministre, à Grenoble
Jeudi 9 février 2017

Seul le prononcé fait foi

Madame la ministre, chère Ségolène ROYAL,
mesdames et messieurs les Parlementaires,
monsieur le président,
monsieur le préfet,
mesdames et messieurs les élus,
mesdames, messieurs.

Je voudrais tout d’abord vous dire à tous et toutes le très grand plaisir que j’ai à vous retrouver ici à Grenoble.
Comme l’évoquait le président de votre Métropole à l’instant, j’ai eu l’occasion régulièrement au cours des derniers mois, pendant l’exercice de mes responsabilités ministérielles de venir à votre rencontre dans des circonstances qui n’étaient pas toujours aussi agréables que celles qui me conduisent vers votre département aujourd’hui.
J’ai eu à le faire lorsque j’étais ministre de l’Intérieur, et qu’il convenait face à des problèmes de délinquance de rehausser, à la demande des élus, des parlementaires, du maire de Grenoble, du président de l’agglomération, les effectifs de nos forces de sécurité, sans lesquels on ne peut pas garantir la lutte contre la délinquance dans des conditions efficaces, nous l’avons fait.

J’ai plaisir à constater que les résultats en matière de lutte contre la délinquance sont, pour la première fois depuis très longtemps, meilleurs que l’année précédente. J’ai eu à le faire également lorsqu’il a fallu que je vienne dans des circonstances qui étaient difficiles à Moirans à deux reprises et là aussi avec le temps qui a passé, les polémiques qui se sont estompées on a pu constater que l’Etat avait joué son rôle en intervenant, en faisant en sorte que ceux qui avaient été à l’origine d’actes de violence extrêmement graves soient rattrapés par la justice.

Je suis venu aussi comme ministre du Budget lorsqu’il s’agissait de préparer, alors que Michel DESTOT était maire de Grenoble, des décisions importantes concernant les sujets qui nous rassemblent aujourd’hui, le transfert de technologie, le développement de l’université.

Et je vous retrouve avec la ministre Ségolène ROYAL, l’administrateur général du CEA, les représentants du monde de l’industrie et de l’université pour signer un ensemble d’accords contractuels qui portent haut l’ambition de ce territoire pour son développement économique, son développement industriel et pour la réservation de son environnement.

La difficulté lorsqu’on prend la parole c’est celle de la tragédie des processus protocolaires, c’est que ceux qui se sont exprimés avant vous, lorsqu’ils se sont bien exprimés, on dit tout ce que vous deviez dire vous-même.

Et de ce point de vue là les deux interventions précédentes ont été très complètes et tout à fait excellentes. Je déteste, pour ce qui me concerne, les redondances, donc par souci de complémentarité je vais évoquer des sujets qui ont quelque chose à voir avec les contrats qui nous rassemblent, sinon vous pourriez légitimement vous demander quelle est la cohérence de ma propre démarche et de mon propre raisonnement, mais je le ferais en essayant d’aborder d’autres questions qui sont importantes dès lors qu’on veut atteindre les objectifs que nous avons placés au cœur de nos contrats.

D’abord le premier point sur lequel je voudrais insister après Ségolène ROYAL c’est le caractère toujours très innovant de ce territoire. Le goût de l’innovation, de la transformation, le plaisir de faire de la ville remonte à très loin, sans doute pour des raisons qui tiennent au fait que la topographie pour laquelle nous n’avons aucun pouvoir a donné à cette Métropole un site exceptionnel mais qui a du, aux origines de la création de la ville, impliquer quelques travaux, mobiliser quelques énergies et conduire à surmonter quelques formes d’hostilité.

C’est d’ailleurs ici un territoire qui est cher à mon cœur pour des raisons qui tiennent au fait que celui qui l’incarne le mieux dans mon esprit, par delà les élus qui sont ici tous rassemblés, c’est Stendhal qui avait parfaitement perçu ce qu’était la particularité du lieu, du site, de sa topographie, de sa majesté et qui caractérisait Grenoble comme une ville où la montagne se trouve au bout de chaque rue. Et en voyant tout à l’heure les images qui étaient présentées de votre Métropole je me remémorais cette très belle phrase de Stendhal décrivant le territoire de sa naissance et je trouvais qu’il y avait dans cette formule très courte, il était l’écrivain des synthèses exactes de la concision du style quelque chose d’éminemment exact.

Et vous avez aussi eu de nombreux élus qui ont perçu cette spécificité et qui par le goût de l’innovation, de l’imagination ont contribué à faire de Grenoble – Ségolène l’a dit tout à l’heure – une ville singulière parmi toutes les autres de notre pays. Ca a été le cas d’Hubert DUBEDOUT, ça a été votre cas ; vous continuez aujourd’hui avec les contrats que nous signons et je voudrais vous féliciter à mon tour, comme l’a fait la ministre à l’instant, pour cette capacité que vous avez en permanence à définir et à dégager de nouvelles frontières.

Ce que nous allons signer aujourd’hui est essentiel pour l’avenir de la métropole. Quand on est ministre ou quand on est Premier ministre, on se déplace dans tous les territoires. Quand on va signer des contrats depuis longtemps préparés, pour lesquels on n’a pas toujours été contributeur soi-même, on est généralement obligé – ça fait partie de l’exercice – de dire des choses toujours aimables. Sinon ça gâche la fête. Et il y a des endroits où on le fait avec plus ou moins de sincérité. Aujourd’hui, nous le faisons avec une sincérité absolue. Et pour ceux qui, comme moi, attachent beaucoup de prix à la sincérité dans l’action publique, c’est un double bonheur : le bonheur de signer un bon texte, et le bonheur de le signer avec la conviction collective que nous avons de faire des choses utiles.

Pourquoi faisons-nous ensemble des choses utiles lorsque nous signons ce contrat ? Pour plusieurs raisons. La première, c’est que vous êtes dans la prolongation de ce que vous avez toujours fait et que vous avez décidé de porter plus loin et qui est essentiel pour le retour de la croissance et le développement économique dans notre pays, c’est l’articulation d’une relation puissante entre la Recherche fondamentale, le transfert de technologies, l’université, les start-up et les territoires, y compris dans leur gouvernance – j’associe les collectivités locales – pour donner les meilleurs chances d’être dans la croissance de demain.

Ce que nous venons de voir au CEA, avec la volonté qui est la vôtre d’inscrire ce grand Commissariat, qui a une teinture, qui a une histoire, qui a même des tropismes, quand je me vois, moi, comme ancien député-maire de Cherbourg, président de la Communauté Urbaine de Cherbourg, avec une centrale nucléaire, un centre de retraitement, l’Arsenal de Cherbourg qui construit la force nucléaire, en train de constater le tournant pris par le CEA vers les énergies renouvelables, avec cette volonté de faire en sorte qu’on mobilise les meilleurs chercheurs, les plus grandes intelligences pour créer les conditions de cette transition qui permettra à notre pays d’être de plein pied dans la mutation écologique, je me dis qu’à certains moments, nous avons pris les décisions qui devaient être prises, et que nous avons réussi sur les territoires les plus prometteurs à créer le conditions de cette relation entre Recherche fondamentale, université, grands centre de Recherche, entreprises et territoires. Et pour cela, je voudrais vous adresser mes sincères félicitations.
Cela doit beaucoup à la ministre de l’Environnement, je veux le dire. Elle m’a remercié tout à l’heure pour l’action que je conduisais, c’est une facétie de sa part. Parce que la ministre a beaucoup de volonté et de détermination, elle a porté des dossiers très novateurs sur la scène internationale au moment de la COP21 en mettant notre pays en avant-garde et au premier rang.

La contrepartie de cela, c’est que quand vous êtes Premier ministre, il faut être en situation de rendre les arbitrages budgétaires au bon moment, à temps, pour conduire cette politique ; sinon, vous pouvez avoir des ennuis. Et donc je suis particulièrement heureux de constater, ici avec Ségolène, que les arbitrages que nous rendons, les initiatives prises par le gouvernement français, l’impulsion donnée par le président de la République, la maîtrise d’ouvrage exercée par elle au moment de la COP21 et par-delà la COP21, pour que nous puissions signer ce type de contrat et de convention, relevaient d’une politique utile et qui offrent des opportunités pour les territoires.

Ce sera très concret pour Grenoble ! Ca veut dire que nous allons pouvoir, sur les énergies de demain, accompagner, par les crédits de l’ADEME – vous signerez une convention avec l’ADEME – des politiques nouvelles ! Ca vaut pour les réseaux de chaleur, ça vaut pour la géothermie, ça vaut pour la rénovation des bâtiments avec la préoccupation de faire en sorte que ces travaux permettent une moindre consommation d’énergie, ce qui est bon à la fois pour l’activité du bâtiment et excellent pour le pouvoir d’achat des Grenoblois.

Ca veut dire aussi que nous allons accompagner, par ce contrat métropolitain, l’action qui est conduite par les grands centres de Recherche pour faire en sorte que, sur le plan du développement, nous puissions continuer à encourager ceux qui investissent, qui innovent et qui imaginent. Donc bravo pour ceux-là. Grande satisfaction pour moi dans ma responsabilité de Premier ministre d’accompagner le territoire sur ces nouvelles frontières qu’il a décidé de défricher pour lui-même, mais aussi pour le pays.
Le deuxième point sur lequel je voudrais insister, c’est sur le fait que tout cela ne fait pas simplement une bonne politique de développement durable, une bonne mutation écologique ; ça fait aussi de l’investissement et de l’emploi. Vous avez  aussi une tradition industrielle, parce que précisément, vous avez une tradition d’innovation. Vous avez ici de grands groupes qui sont implantés.

Vous avez ici de grands groupes qui sont implantés. Vous avez XEROX, vous avez HP France, vous avez ST MICROELECTRONICS et d’autres groupes encore, SCHNEIDER. Ce qui fait que l’emploi industriel par rapport à l’emploi global dans le département de l’Isère représente 15 % des emplois, là où la moyenne française est de 11 %. Dans un pays qui se lamente souvent de sa désindustrialisation, nous constatons que lorsque des territoires font le pari de l’innovation technologique et de la montée en gamme de leurs produits, par l’effet de l’innovation technologique, le déclin des emplois industriels est bien moindre, je dirais même que la croissance des emplois industriels devient beaucoup plus facile qu’elle ne l’est dans d’autres territoires. Cela aussi, nous allons le consacrer à travers ce partenariat et cette coopération.

Il y a tout ce qui concerne les transports de demain, il y a ce qui relève du contrat métropolitain, mais pas seulement, nous avons évoqué avec le Président à l’instant la desserte ferroviaire de Grenoble, la problématique de la liaison entre Lyon et Grenoble, le tout articulé au grand chantier du Lyon-Turin, pour lequel l’Etat est présent, s’est engagé à travers des fonds mobilisés, j’en ai précisé les enveloppes tout à l’heure, c’est dans le cadre du contrat de plan Etat/Régions.

Mais les études et les missions qui ont été confiées récemment à un certain nombre de spécialistes de ces sujets, j’ai rencontré également Louis BESSON pour examiner la question des grands travaux qui vont s’ouvrir dans une perspective plus large que celle de ces grands travaux, c’est-à-dire pour faire en sorte que le territoire dans son ensemble en bénéficie. Toutes ces problématiques de transports, de transports durables sont également dans mon esprit, au moment où je signe ce contrat.

Enfin, je voudrais terminer mon propos en vous félicitant pour l’esprit très coopératif et très partenarial qui a été le vôtre dans la relation avec les autres territoires. Ségolène parlait tout à l’heure de la Communauté de communes du Grésivaudan, je pourrais parler aussi du Parc naturel du Vercors ou de la Chartreuse, où vous avez, je crois, prévu de signer des accords de coopération avec ces parcs, portés par la Métropole et permettant à l’ensemble de ces territoires environnants de bénéficier de la dynamique qui sera la vôtre, au titre des contrats que nous signons et d’initiatives que vous prenez hors ces contrats, pour faire en sorte que l’ensemble du territoire en bénéficie.

Je veux conclure également, puisque nous sommes à Grenoble, pour dire qu’il y a la préoccupation du renouvellement urbain, qui est une préoccupation qui compte énormément pour le Gouvernement. Il y a des projets grenoblois, il y a des enveloppes, il y a des augmentations d’enveloppes décidées par le Gouvernement pour la restructuration des quartiers. J’ai indiqué, là aussi, au Président de la Métropole, que si le territoire nous présente un dossier global, tenant compte de la totalité des aspects du renouvellement urbain, comme cela semble être le souhait du territoire, nous pourrons bien entendu réajuster nos budgets, de manière à accompagner davantage un certain nombre de quartiers, dont j’ai beaucoup entendu parler comme ministre de l’Intérieur, pour lesquels nous faisons un effort, mais dont mon successeur ministre de l’Intérieur souhaiterait entendre moins parler que moi. C’est la raison pour laquelle nous devons faire des efforts en matière de politique de la ville. Je souhaite à ce titre entendre aussi la demande qui est formulée par les élus du territoire.

Voilà, Mesdames et Messieurs, ce que je voulais vous dire. Nous avons de bonnes raisons de signer ce pacte et de signer cette convention avec l’ADEME. Des raisons qui tiennent à l’énergie qui est positive, les territoires à énergie positive sont des territoires aussi dans lesquels, positivement, on met toute son énergie à faire des choses utiles. Ça ne concerne pas simplement que la mutation écologique. Ici, c’est ce que nous faisons ensemble, tous ensemble, collectivement.

Je suis particulièrement heureux pour cette raison, de pouvoir signer ces accords qui nous engagent durablement, qui nous conduiront à tenir les engagements budgétaires et les objectifs que nous nous sommes fixés à nous-mêmes, ce qui est toujours mieux quand on signe un contrat. C’est la raison pour laquelle ceux qui sont opposés à la signature de ce contrat peuvent s’exprimer maintenant ou se taire à jamais, comme on dit dans les grands mariages américains. Merci à vous.

Author: Redaction