Déclaration suite à la réunion de ministres sur la situation en Guyane

Hôtel de Matignon, le 3 avril 2017
Seul le prononcé fait foi
 
Mesdames et messieurs,
J’ai réuni à l’instant dix membres du gouvernement pour évoquer la situation en Guyane. Le ministre de l’Intérieur, Matthias FEKL, et la ministre des Outre-mer, Ericka BAREIGTS, ont rendu compte des discussions qu’ils ont menées sur place au cours des derniers jours. Mon gouvernement n’a cessé d’être à l’écoute des Guyanais et à la recherche de solutions aux préoccupations qu’ils expriment.
 
Depuis 2012, et je veux le redire avec force et sincérité, les outre-mer ont toujours été une priorité des gouvernements de François HOLLANDE et jamais, la Guyane n’a été oubliée par la République. Durant le quinquennat, l’Etat a massivement augmenté ses efforts d’investissement. Le montant des contrats de plan Etat- région a ainsi été augmenté de 32% dans les territoires d’outre-mer. Et ce niveau s’établit à 79% pour la Guyane.
 
A cette fin, des négociations ont été menées avec l’ensemble des acteurs institutionnels, économiques et sociaux. J’entends dire que ces négociations auraient échoué. Je veux sur ce point faire une mise au point extrêmement précise. Au cours de la nuit de samedi à dimanche en Guyane, pas moins de 11 accords ont pu être trouvés sur des sujets essentiels comme la sécurité et la justice, la pêche, les transports, le bâtiment, les travaux publics, le tourisme, les mines, le développement de l’agriculture, l’énergie, la situation des communautés amérindiennes et bushinengués, le foncier, ou encore l’éducation routière. Des protocoles ont été signés, la parole de l’Etat est ainsi officiellement engagée.
 
Pour parvenir à ce résultat, les ministères concernés ont travaillé 24 heures sur 24 ces derniers jours, en lien constant avec les ministres missionnés et la délégation interministérielle de haut niveau sur place. Cette liaison constante et ininterrompue a permis d’apporter des réponses précises et détaillées à plus de 400 revendications. Les trois quarts d’entre elles ont pu être satisfaites.
 
Ces mesures recouvrent des solutions de court et moyen terme, tous secteurs confondus, il s’agit là d’un travail important de la part de l’ensemble des services de l’Etat que je tiens à remercier pour leur engagement. L’Etat a voulu répondre de manière forte aux attentes ; un effort significatif de rattrapage a été amorcé ; une dynamique de convergence, suite aux dispositions législatives récemment adoptée, est en marche.
 
Les ministres ont ainsi présenté hier un plan d’urgence pour la Guyane comportant 25 mesures stratégiques pour un montant estimé à un peu plus d’un milliard d’euros. Ce plan d’urgence permettra plus de sécurité, plus de santé, plus de développement économique, plus d’éducation pour la Guyane. Ces besoins étaient légitimes, nous avons voulu y répondre avec précision et ambition.
 
En matière de sécurité et de justice d’abord, car il s’agit là d’une des toutes premières préoccupations et attentes des Guyanais. La sécurité est la première des libertés et la justice et le respect de l’ordre républicain, le fondement de notre République partout sur le territoire national. C’est pourquoi le plan d’urgence prévoit notamment la création d’un poste de coordonnateur des forces de sécurité, l’arrivée en renfort de 50 gendarmes et policiers dès 2017, puis de 90 gendarmes supplémentaires à partir de 2018, la création d’un tribunal de grande instance et d’un centre pénitentiaire à Saint-Laurent du Maroni ainsi que la création d’une cité judiciaire à Cayenne.
 
Je veux également rappeler que la totalité des augmentations d’effectifs que j’avais annoncées à l’occasion de mon déplacement en Guyane, il y a de cela quatre mois, ont été honorées. Par ailleurs, un centre d’hébergement pour femmes victimes de violences sera créé en Guyane en 2017.
 
En matière de santé,  nous voulons que les Guyanaises et les Guyanais puissent bénéficier de soins de qualité comme leurs concitoyens vivant dans l’Hexagone, 85 millions d’euros seront alloués immédiatement en faveur des centres hospitaliers de Cayenne et de l’ouest guyanais.
 
Concernant l’éducation, le défi est immense en raison de la démographie du territoire. La Guyane a besoin d’un effort exceptionnel en matière d’éducation et nous le faisons. L’Etat propose d’accompagner dès cette année la collectivité territoriale de Guyane dans la construction des collèges et des lycées à hauteur de 50 millions d’euros par an pendant cinq ans et de porter de 10 à 15 millions d’euros par an la dotation aux communes pour construire des écoles. Le nombre d’intervenants en langue maternelle dans les écoles sera doublé dès la rentrée 2017.
 
L’Etat propose d’apporter son concours pour la réalisation d’infrastructures majeures comme le doublement du pont du Larivot ou le doublement de la RN1 entre Cayenne et Macouria et de la RN2 entre Cayenne et Matoury. Ces mesures permettront, par ailleurs, une relance de l’économie guyanaise à court terme en soutenant notamment cette activité essentielle que sont le bâtiment, mais aussi les travaux publics.
 
Les agriculteurs et les pêcheurs, acteurs essentiels du développement économique en Guyane, bénéficieront dès cette semaine respectivement du paiement effectif de 3,5 et de 5,5 millions d’aides grâce à l’envoi sur le territoire d’une équipe dédiée.
 
En matière de soutien aux collectivités locales, l’Etat prend ses responsabilités et assure les collectivités guyanaises de son plein et entier soutien. Le gouvernement apportera une avance de trésorerie de 4,5 millions d’euros à la Collectivité territoriale de Guyane et transformera en subvention exceptionnelle d’équilibre le prêt de 53 millions d’euros dont elle bénéficie afin de l’aider à régler ses dettes à l’égard des entreprises guyanaises. Elle bénéficiera aussi d’une aide exceptionnelle de 50 millions d’euros liée à ses dépenses de RSA.
 
Nous sommes, Mesdames et Messieurs, déterminés à engager ce plan d’urgence immédiatement et à en suivre la mise en œuvre avec les Guyanais par la mise en place d’un comité de suivi. Ce comité aura un rôle majeur et il associera bien entendu l’ensemble des partenaires guyanais.
 
Ce plan d’urgence préfigure le plan de convergence prévu par la loi relative à l’égalité réelle dans les outre-mer qui contiendra l’ensemble des mesures de long terme, permettant à la Guyane de rattraper l’écart de développement qu’elle connaît avec la métropole.
 
Vous pouvez le constater, les réponses sont nombreuses et l’effort est conséquent. Ces résultats sont le fruit d’une méthode, celle de la concertation dans le respect de chacun, et j’insiste sur cette notion de respect qui doit exclure toute manifestation de violence face à la crise que nous traversons. Le gouvernement a fait le choix résolu du dialogue.
 
La ministre des outre-mer et le ministre de l’Intérieur n’ont cessé d’écouter, de dialoguer, d’expliquer. Jamais, un gouvernement ne s’était peut-être autant rendu disponible pour la Guyane. Depuis l’été 2016, pas moins de huit ministres se sont  déplacés en Guyane pour mettre en œuvre des politiques publiques ambitieuses.
 
L’envoi d’une mission interministérielle de haut niveau, conduite par le préfet Jean‑François CORDET et composée de personnalités éminentes, a permis de préparer des solutions concrètes et immédiates à des difficultés majeures. Elle a multiplié les contacts avec l’ensemble des acteurs guyanais. Elle a œuvré sans relâche pour dénouer les blocages administratifs et tracer des perspectives de développement.
 
J’ai suivi personnellement en temps réel la situation, en lien permanent et étroit avec les deux ministres qui se sont rendus sur place à ma demande et je veux les remercier pour la qualité du travail qu’ils ont accompli.
 
Vous le savez, j’ai un attachement particulier à la Guyane que je connais bien et où je me suis rendu à de nombreuses reprises. Pour autant, ce lien très fort ne me fera pas dévier de l’esprit de responsabilité qui doit présider à l’action du gouvernement.  Il serait très facile, sans doute aisé, de céder à la facilité et de promettre des mesures et des aides financières d’un montant irréaliste, puis d’en laisser la charge et la responsabilité à un autre gouvernement. Ce n’est pas la conception que nous avons de la responsabilité dans la République. Développer les territoires suppose du sérieux, de la dignité, de la crédibilité, de la responsabilité, du respect. On ne gouverne pas en extrapolant des chiffres sans examiner avec minutie chacun des projets proposés. Je ne m’engagerai que sur ce que nous savons pouvoir tenir et financer.
 
Il faut désormais graver dans le marbre ce qui a été longuement négocié et acté, faute de quoi tout ce travail risque d’être perdu. Et c’est la raison pour laquelle, à l’occasion du conseil des ministres de mercredi, l’ensemble des nombreuses avancées que je viens d’évoquer seront actées sous l’autorité du président de la République par l’ensemble des ministres concernés.
 
J’en appelle encore une fois à la raison et à la levée des barrages. Bloquer la Guyane, bloquer son économie, bloquer ses écoles, bloquer ses services publics, ce n’est pas ainsi que l’on peut préparer l’avenir.
 
Nous avons entendu nos compatriotes guyanais ; nous avons entendu leur demande de plus de considération et leur volonté de prendre en main leur destin face aux nombreux défis que connaît leur territoire. C’est avec précision, volontarisme et ambition que nous souhaitons y répondre.
 
La Guyane ne pourra pas décoller sur la base de fausses promesses et d’engagements non tenus. Elle ne pourra pas s’épanouir sans responsabilité. J’appelle donc l’ensemble des partenaires à poursuivre le dialogue afin de bâtir ensemble l’avenir de la Guyane.
 
Je vous remercie !
03.04.2017 Déclaration du Premier ministre – Suite à la réunion de ministres sur la situation en Guyane

Author: Redaction