Commentaire de l’élection de M. Wauquiez à la tête des Républicain (Atlantico)

Hier soir, le site Atlantico m’a interrogé sur mon ressenti de la victoire de M. Wauquiez (voir mes réponses ci-dessous). Pour être franc, je suis plutôt rassuré, satisfait et heureux de ce début de résurrection d’une opposition démocratique à un pouvoir qui à mes yeux, incarne la quintessence du pire en politique: le déni du réel, la fuite dans la communication et le culte de la personnalité. Pour autant, l’enthousiasme et la jubilation ne sont pas de mise. Deux points sont à surveiller: quand vont-ils enfin comprendre que leur devoir est de s’adresser « à la France » et non « à la droite« , un concept aussi sectaire que vermoulu? Sont-ils vraiment prêts à placer au premier plan le débat d’idées, l’intérêt général et le projet, en mettant fin à l’effroyable et vénéneuse dérive narcissique de la politique française autour de la guerre des chefs et de l’obsession élyséenne, ce chancre monstrueux? A voir: attendons, dans l’espérance, mais aussi la fermeté sur nos attentes…

Maxime TANDONNET

  1. Avec plus de 74% des suffrages exprimés, Laurent Wauquiez arrive largement en tête de cette élection pour la présidence LR. « La droite est de retour » a-t-il affirmé. Les Républicains semblent ce soir se redécouvrir largement conservateurs : cette victoire conduira-t-elle à une droite rétrécie ou à une droite renouvelée ?

Il faut distinguer le fond et la forme. Sur la forme, le renouvellement est bien là et il fait pendant à En Marche. Laurent Wauquiez incarne une génération politique nouvelle, celle des quadragénaires. Il a avec lui, dans son entourage proche, des personnalités jeunes comme Guillaume Peltier ou Guillaume Larrivé. Beaucoup de partisans autour de lui sont des hommes et des femmes de moins de cinquante ans. Les ténors de droite, Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, François Fillon, volontairement ou involontairement, lui ont passé le relai. Mais le renouvellement des visages n’implique pas forcément le renouveau sur le fond, et c’est cela qui compte. Mettre en avant les questions de sécurité, de maîtrise de l’immigration et des frontières, de respect de la loi, de discipline à l’école, d’unité nationale contre le communautarisme, la lutte contre le terrorisme, de ne signifie en aucune cas « droite retrécie ». Cela répond à l’attente profonde de l’immense majorité des Français qui souffrent de l’insécurité et sont traumatisés par la montée de la violence. La France est déchirée par une profonde fracture démocratique quand 88% des Français jugent que « les politiques ne tiennent aucun compte de ce que pensent les gens comme eux » et ne font plus confiance aux politiques. Regagner leur confiance est un immense défi qui n’a rien de ringard, bien au contraire. Si Laurent Wauquiez et son équipe parviennent à y répondre, il sera alors possible de parler d’un véritable renouveau.

  1. Si l’on devait placer cette élection dans la continuité des précédentes élections internes des LR, quelle tendance observe-t-on ? L’accentuation d’une ligne conservatrice aux dépens d’une ligne humaniste est-elle une tendance conjoncturelle ou structurelle à LR ?

On peut parler d’une tendance de fond, car elle correspond à une réalité profonde de la société française. Les derniers présidents de LR l’ont emporté sur une ligne dite conservatrice, ou sécuritaire : M. Copé en 2012, M. Sarkozy en 2014, aujourd’hui M. Wauquiez accentue cette tendance. Elle correspond au sentiment que l’Etat n’assure plus convenablement sa mission régalienne fondamentale qui est de protéger les Français dans un monde en plein chaos. On peut donc dire que l’évolution est structurelle et qu’elle dépasse largement le cadre des militants de LR. Mais l’enjeu essentiel est justement de transcender le clivage entre « conservateurs » et « humanistes ». Protéger efficacement la sécurité, la liberté, l’ordre public n’implique pas de manquement au principe d’humanité. L’opinion publique veut l’ordre public et tout autant le respect des droits fondamentaux et sociaux. La société française est extrêmement fragile, notamment parce qu’elle compte une dizaine de millions de personnes reléguées dans l’exclusion, privées d’emploi ou de logement décent. Le devoir absolu de M. Wauquiez et de son équipe sera de tendre la main à ceux qui sont dans la misère et la souffrance. S’ils ne le font pas, ils seront rejetés par le pays.

  1. Cette droite peut-elle se replacer comme mouvance d’opposition principale, devant Jean-Luc Mélenchon ?

Oui, cela ne fait aucun doute. Les Français ont besoin d’une opposition susceptible d’assurer une alternance sans risque pour le pays. Il n’existe pas de démocratie sans une opposition en mesure de reprendre la relève. Il me semble que l’enjeu de l’opposition qui s’incarne désormais dans M. Wauquiez et son équipe, consiste à restaurer la confiance des Français dans la politique. Avant tout, il lui incombe de donner des gages de sa sincérité à s’engager dans la voie du redressement collectif et non, cinq ans à l’avance, dans une course à l’Elysée qui serait à la fois absurde et suicidaire. Donner une image de la politique fondée sur le bien commun plutôt que la guerre des chefs et la course aux ego et aux satisfactions de vanité : tel est l’immense défi qui se présente à lui. Et aussi sa grande difficulté si l’on en juge par la réaction de ses concurrents chez les Républicains… Le mode d’exercice du pouvoir, en vigueur aujourd’hui en France, repose à la fois sur une place considérable donnée au verbe, à la communication et sur la personnalisation du pouvoir à outrance. Si l’expérience actuelle réussit, la question ne se posera même pas. M. Macron et son parti LREM seront reconduits triomphalement en 2022. Si elle échoue, cela signifiera que les Français veulent tout autre chose : un retour à la politique comme mode d’action collectif en faveur de l’intérêt général et de la vérité. Dès lors, la chance de M. Wauquiez sera d’animer progressivement ce retour à la politique au sens noble du terme, en homme d’Etat plutôt qu’en créature providentielle.


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Author: Redaction