Clôture du Sommet Tech For Good

Seul le prononcé fait foi

Mesdames et Messieurs,
Cher Maurice,
Cher Eric,

Merci pour cette introduction, Dara, Ginni et Bill, merci pour cette présentation à la fois brillante, anglophone et synthétique.

Dara, vous avez dit que vous aviez neuf mois d’expérience dans votre job et que donc il vous fallait rester modeste, j’en ai pour ma part douze, donc en dépit d’une expérience bien plus considérable que la vôtre dans mon job, je vais rester modeste aussi et prudent, ce qui va me conduire à faire ce discours en français. Notamment pour suivre l’invitation pressante formulée par Maurice qui considère qu’en France on s’exprime en français.

« De n’importe où, on peut s’élancer vers le ciel« . Ce n’est pas de moi. C’est Sénèque. Sénèque, qui était un stoïcien romain, qui, à l’évidence, lorsqu’il a formulé cette maxime, pensait à l’économie du numérique. Alors peut-être pas complètement, car en dépit d’une très grande sagesse, il n’avait pas tout prévu et tout imaginé, en tout cas je ne crois pas. Mais au fond, cette maxime s’applique assez bien à ce que vous vivez, à ce que nous vivons, à cette transformation incroyable de l’économie, de la façon de vivre, de la façon de penser, de la façon de travailler – vous l’avez dit chacun – d’apprendre.

Elle traduit bien l’idée que grâce à cette transformation, du fait de cette transformation, tout est probablement possible à chaque endroit pour n’importe qui. Ce qui est une façon d’envisager le monde tel qu’il est aujourd’hui, tel qu’il est en train de se construire, qui devrait nous inciter à un optimisme considérable.

Les transformations que nous vivons, vous les pratiquez, vous les accélérez, vous les concevez parfois, vous les connaissez et je ne vais pas m’y appesantir.

Souvent, pour illustrer le potentiel de la transformation que nous vivons, on évoque les géants technologiques américains. Très bien. Moi, je voudrais plutôt insister sur les milliards de micro bénéfices individuels, qui, lorsqu’on les met bout à bout, représentent sur l’ensemble de la planète une valeur qui est au moins égale à la capitalisation de ces entreprises. Le fait de pouvoir vendre et acheter des services en ligne, d’optimiser des trajets et des consommations énergétiques, de faciliter les échanges, les échanges marchands bien entendu, mais aussi les échanges d’idées, d’entrer dans un monde où l’immédiateté de l’échange et l’universalité de l’échange est presque possible – je dis presque parce qu’on n’y est pas encore complètement sur la totalité de la surface de la Terre – le fait d’avoir accès à des soins ou à des enseignements d’une exceptionnelle qualité un peu partout grâce à la télémédecine, grâce à l’enseignement de masse par les réseaux, cette chance qui est ouverte aux individus, aux institutions, aux villes, aux régions, aux Etats, elle est une chance unique. Nous vivons un moment unique de l’Histoire, comme peut-être ont vécu avant nous bien d’autres personnes, mais nous vivons un moment absolument unique de l’Histoire et un moment qui, par sa transformation incroyablement rapide, est terriblement ramassé.

Je vous ai parlé de Sénèque, c’était un stoïcien, c’était un stoïcien millionnaire. Ce qui, reconnaissons-le, doit sans doute beaucoup aider pour être un stoïcien. Ce qui prouve qu’on peut être richissime et philosophe, ce qui est une bonne chose, qu’on peut avoir réussi sa vie sur le plan matériel et se convaincre que cette réussite oblige à penser et également à faire ou à conseiller pour le bien de la Cité. Je passe sur les conditions de la mort de Sénèque qui sont moins glorieuses et moins heureuses et dont je ne voudrais pas qu’elles servent de modèle.

Non, ce que nous dit Sénèque au fond, c’est qu’on peut extraordinairement bien réussir et s’intéresser à la vie de la Cité. On peut imaginer des réussites collectives, généreuses et durables. C’est la démarche que vous avez empruntée, le message que vous avez voulu adresser en répondant à l’invitation du président de la République au Sommet « Tech For Good ». Je veux donc vous remercier de cette journée studieuse, de la clarté du compte-rendu que vous en avez fait tous les trois. On me dit qu’il est très rare qu’autant de leaders de la technologie mondiale se retrouvent entre eux.

Un mot quand même pour dire un lien sur la technologie, sur la science et sur le monde dans lequel nous vivons. Vous êtes ici en France, dans un pays qui, au 18ème siècle, a porté très haut l’idée que l’on pouvait vivre mieux dans un monde où la science avait une place centrale. Ce n’est pas propre à la France, bien entendu. Mais la Révolution française de 1789 a ceci de caractéristique qu’elle est une révolution – ce n’est pas caractéristique – c’est une révolution fondée sur la raison, c’est vrai, ce n’est pas caractéristique, mais c’est aussi une révolution fondée sur la science, avec des personnalités qui montrent que le nouvel ordre politique, démocratique, républicain doit reposer sur une pratique, une connaissance, une recherche scientifique appliquée au bien commun. C’est Lavoisier, c’est Monge, c’est Carnot, c’est Condorcet. C’est avec la Révolution française l’installation du système métrique, dont on ne dira jamais assez, surtout à ceux qui ne l’ont pas encore mis en œuvre, combien il est une avancée remarquable.

Alors, je n’ai pas pensé le progrès, car j’en suis incapable, surtout, il y a tellement de penseurs bien plus fins que moi qui l’ont fait, mais je voudrais partager trois convictions avec vous sur cette question.

D’abord, comme beaucoup d’entre vous ici, je crois fondamentalement à la liberté, à cette capacité qui est à la fois extrêmement simple et totalement fondamentale de prendre une bonne décision ou une mauvaise décision. C’est le sens premier de cette liberté. Nous l’avons tous éprouvé ici dans le cadre de nos responsabilités, à un moment donné, on a le choix et de ce choix découlent des conséquences qui peuvent être très différentes.

La deuxième conviction qui découle de la première et qui m’est souvent rappelée par mon fils, qui cite un des plus grands philosophes de notre temps, c’est que lorsqu’ « on dispose de grands pouvoirs, on est astreint à de grandes responsabilités« . Je crois que c’est un philosophe modèle qui s’appelle Peter Parker qui a dit ça pour la première fois. Très grand philosophe. Je crois que c’est très vrai. Il y a ici des responsables politiques, il y a surtout des responsables du monde des affaires, de l’entreprise qui ont d’immenses pouvoirs, pouvoirs de transformer le monde et qui donc ont d’immenses responsabilités. Vous l’avez d’ailleurs tous dit et assumé. C’est bien ainsi. Mais il ne faut pas prendre à la légère, ni ces pouvoirs qui sont réels, parfois ils font peur, ni ces responsabilités parce qu’elles sont essentielles.

Enfin, dernière conviction, lorsque quelque chose n’est pas encadré – non pas qu’il faille tout encadrer – lorsque quelque chose n’est pas encadré ou organisé, il peut arriver que cela finisse par nous échapper. S’agissant de la révolution numérique, s’agissant de la révolution des données, cette liberté, cette responsabilité et cette nécessité d’un cadre juridique qui permet justement cette liberté et cette responsabilité nous a frappés et nous a semblé essentielle. En matière de régulation, l’Europe s’est dotée d’un cadre, celui du RGPD, ce qui paraissait hier contraire à l’innovation pour beaucoup peut-être d’entre vous – je ne sais pas – en tout cas pour beaucoup apparait aujourd’hui comme une norme qui serait, je ne sais pas s’il faut l’appeler désirable, mais utile à l’échelle mondiale pour faire en sorte que nous ne dérapions pas.
Certains d’entre vous – je crois que c’est le cas de MICROSOFT – ont décidé de l’appliquer à tous leurs utilisateurs. Je ne peux qu’inciter l’ensemble de l’écosystème à suivre cet exemple, parce que c’est dans cet équilibre entre régulation et innovation que se trouve la clé d’un progrès acceptable et accepté.

Alors, pour citer un autre philosophe, que j’apprécie moins que le précédent que je viens de citer : « Que faire ? » C’est Lénine. Je ne suis pas sûr que ce soit un philosophe. En tout cas, il a effectivement dit : « Que faire ? » On a le droit de se poser la même question sans y apporter nécessairement la même réponse.

Que faire quand on est un Etat et lorsqu’on se trouve confronté à une révolution d’une telle ampleur ? D’abord, on doit protéger ses concitoyens, les protéger efficacement. Donc, les protéger, en n’érigeant pas des murs, des barrières rigides, dont en France depuis la Ligne Maginot, on connait la très relative efficacité. Il faut le faire en apprenant ce qu’on apprend dans un art qui est un art noble, la boxe, en considérant que refuser le combat n’a jamais protégé personne. C’est le principe de la boxe, on peut esquiver les coups, mais on ne peut pas refuser le combat.

La meilleure manière de se protéger, c’est de se doter des bonnes méthodes, des bons réflexes, des bonnes stratégies, des bons outils et d’intégrer la réalité telle qu’elle est. Le président de la République a eu l’occasion de le dire lors de son discours sur l’intelligence artificielle. Si on veut avoir une chance d’influer sur le cours du monde, celui de la technologie et de l’économie, nous devons devenir les acteurs de cette transformation. C’est ce que nous essayons de faire depuis un an, avec le président de la République, c’est préparer la France, c’est la réparer parfois, c’est la réinscrire dans le cours du monde, celui d’une économie hyper agile, celui d’une innovation échevelée.

Ce sont l’ensemble des réformes économiques que nous menons pour libérer les énergies, pour attirer les investissements, pour faciliter le travail, pour rendre aux Français le goût du risque et celui d’entreprendre. C’est notamment notre Code du travail qui s’adapte aux attentes des entrepreneurs et des salariés, qui offre à la fois des nouvelles protections et des nouvelles souplesses. C’est l’investissement massif dans l’avenir et la formation, vous avez dit que la question numéro une, la richesse numéro une, c’était la compétence ; le sujet numéro un, c’était la compétence, c’est évidemment exact et c’est la raison pour laquelle nous allons investir des sommes, qui, à l’échelle de la France, à l’échelle des budgets publics, sont considérables dans l’intelligence artificielle, mais aussi dans la nécessaire requalification montée en compétences, l’adaptation permanente des compétences de nos concitoyens, le sujet, c’est le défi de l’intelligence et donc de la compétence.

C’est pour ça que nous transformons l’école dès les classes primaires et demain dès les classes maternelles. C’est pour ça que nous transformons le Baccalauréat. C’est pour ça que nous transformons l’université. C’est pour ça que nous transformons l’apprentissage et c’est pour ça que nous transformons la formation professionnelle parce que c’est à chaque étape de la vie que se joue le combat de l’intelligence, la capacité à changer ses compétences, la capacité à apprendre, c’est là le sujet essentiel.

Ce sont également des politiques publiques du numérique qui sont essentielles. La garantie d’un accès au très haut débit d’ici 2022 partout sur notre territoire, il y a ici un certain nombre d’acteurs de ces investissements, je les salue en leur disant que nous allons continuer à être exigeants. La numérisation en cours de l’ensemble des démarches administratives. Bref, le fait que notre pays, notre administration, notre Etat se transforme pour intégrer dans tous les domaines ce qui est la norme, l’évidence même pour un certain nombre des entreprises que vous dirigez ou que vous faites vivre.

Protéger, c’est aussi s’assurer que les 13 millions de Français, qui, pour des raisons extrêmement diverses, n’ont pas accès à Internet, puissent se plugger sur le monde numérique. Le président de la République a demandé, il y a quelque temps, au Gouvernement de construire une stratégie nationale d’inclusion numérique.

Ça n’a rien d’accessoire ou d’anecdotique. Même si je comprends que ça puisse sembler curieux de le dire ici – et d’ailleurs, pas si curieux que ça parce que je pense que vous en êtes tous parfaitement conscients –, nous devons veiller à ce que l’accès à ce monde nouveau ne soit pas simplement limité par l’accès au matériel, ça viendra, mais qu’il soit aussi accompagné d’un effort considérable pour que ceux qui, par choix, par prudence, par inquiétude, voudraient s’en trouver éloignés, puissent, s’ils le souhaitent, s’ils le peuvent, quand ils le souhaitent et quand ils le peuvent, le rejoindre.

On parle, je crois, dans le monde des start-up – vous êtes tous à la tête de start-up, enfin certaines ont très bien réussi, il faut bien le reconnaître, certaines ont vraiment très très bien réussi –, on parle parfois de la logique du pivot. Eh bien c’est ce que nous essayons de faire en France, nous essayons de faire pivoter la France. C’est un exercice intéressant, c’est un exercice qui est tout à fait possible. On peut réussir la transformation, on peut réussir ce pivotage, je ne sais pas comment il faut le dire, ce pivot que la France attend d’une certaine façon et dont la France a besoin si, encore une fois, elle veut se placer dans les meilleures conditions pour regarder le monde tel qu’il est et tel qu’il vient.

Nous avons beaucoup d’atouts en France et je ne vous ferai pas l’injure de les rappeler un par un, d’abord, parce que je pourrais en oublier, mais nous avons des atouts en termes de formation, en termes d’entreprise, en termes d’écosystème, en termes de recherche fondamentale appliquée. Nous avons tout ce qu’il faut pour regarder le monde avec confiance alors nous le regardons avec confiance et nous essayons d’avancer dans la bonne direction.

Quelques mots rapides sur les trois thèmes sur lesquels vous avez travaillé dans le cadre de ce qui s’apparente à ce qu’on désigne en bon français des workshops. Vous avez travaillé sur des thèmes qui tournent autour de la notion d’inclusion et de collectif et je pense que c’est utile parce qu’un progrès qui ne profite qu’à quelques-uns, voire qui ne profite qu’à quelques-uns au détriment du plus grand nombre, peut légitimement ne pas être qualifié de progrès.

Un progrès qui profiterait à quelques-uns au détriment du plus grand nombre, ce serait probablement dans la catégorie des oxymores, c’est-à-dire les expressions qui disent une chose et son contraire. Ce serait en tout état de cause un déséquilibre et donc un risque et on voit mal quel serait le sens d’une économie connectée qui serait à court terme, voire à long terme, totalement déconnectée de la réalité du monde.

Alors, qu’est-ce qu’un vrai progrès ? D’abord, c’est un progrès qui se diffuse à tous largement, globalement pour que d’autres personnes, d’autres peuples, d’autres nations puissent engranger tous les micros bénéfices que j’évoquais tout à l’heure. On le voit bien, dans un certain nombre de pays qui sont parfois qualifiés de pays en voie de développement – mais enfin je crois que c’est un terme assez ancien, je ne suis pas sûr qu’il soit ni le plus adapté ni le plus conforme à la réalité –, la technologie a évidemment un rôle éminent à jouer dans l’aide au développement.

Il y a cette année un accent africain très fort dans Viva Tech. C’est une bonne chose, c’est une excellente chose, c’est surtout la simple illustration de quelque chose qui est un phénomène incroyablement puissant et parfois méconnu, la technologie, le développement technologique apporte des solutions et participe à la transformation et à l’essor considérable du continent africain. Je suis sûr que vous le voyez, je suis sûr que vous le vivez, j’espère que tous ceux qui nous écoutent, au-delà des ondes, au-delà des airs, en ont conscience car une partie de la révolution du monde se joue là. Une partie de la révolution du monde, de la sécurité du monde, de la richesse du monde, de la stabilité du monde se joue dans cette transformation technologique et notamment dans cette transformation et cette adaptation technologique en Afrique.

Mais c’est vrai aussi évidemment dans les pays occidentaux, dans les pays qui sont déjà dans un très fort développement économique. Cette transformation, elle a des conséquences de long terme sur nos économies, sur nos compétences, sur nos métiers. Nous allons donc devoir former individuellement, massivement, vous l’avez dit, nous le savons. C’est à la fois plus simple grâce à la révolution numérique et c’est aussi très compliqué parce que la révolution numérique n’est pas la solution à tout en matière de formation. Dans la formation, il y a toujours un contact humain, une émulation individuelle, une discussion. Il ne faut pas qu’elle soit totalement absente, il faut qu’elle soit conjuguée avec la révolution numérique, avec la transformation numérique.

Enfin la créativité, vous l’avez dit, l’audace n’ont ni couleur, ni sexe, ni âge, ni aucune d’ailleurs caractérisation fondamentale, elle est universelle et nous devons donc rechercher partout, en tout cas beaucoup plus loin que notre entourage et nos préjugés, cette créativité, cette audace, cette richesse individuelle. La Tech ne peut pas être simplement l’affaire de l’Ivy League ou des grandes écoles françaises. Elle est aussi ça, elle ne peut pas être que ça et si elle n’était que ça, elle se ruinerait d’elle-même et elle s’appauvrirait d’elle-même, elle serait totalement déconnectée de la société, de la réalité et elle serait probablement beaucoup moins performante.

Vos engagements – je pense notamment aux engagements de SAP –, vos recommandations montrent que vous êtes prêts à montrer l’exemple. C’est bien, dites-le, faites-le, montrez-le. En France, je ne sais pas si c’est partout le cas, mais en France il y a encore une forme de doute ou de réticence à mon avis infondée mais néanmoins exprimée, ressentie sur les capacités de vos très grandes entreprises à incarner vraiment cette capacité à faire vivre l’ensemble des compétences, quelle que soit la diversité de ces compétences.

Je le dis très tranquillement en ne donnant aucune leçon, je sais de source sûre que l’Etat n’est pas plus à même de démontrer cela. Mais nous avons un défi commun, nous avons un défi commun pour notre propre efficacité et pour la durabilité et l’acceptabilité de ce progrès.

Un vrai progrès, c’est un progrès qui offre ou qui accroît une liberté, celle de travailler de manière indépendante peut-être, qui accroît une liberté sans ôter une sécurité. Je disais qu’il ne pouvait pas profiter à certain au détriment d’autres, je pense qu’il ne peut pas être autre chose que l’apport d’une liberté sans se traduire par la soustraction d’une sécurité. Je n’ai rien contre le travail indépendant, j’y vois pour beaucoup un moyen de s’insérer, de concilier une vie familiale et une vie professionnelle, d’arrondir des fins de mois, de trouver une solution là où il y avait des problèmes, mais ce recours au travail indépendant ne peut pas être constitutif d’une manière de détourner des règles collectives auxquelles nous sommes par ailleurs attachés, dont nous dépendons pour la stabilité et le développement de nos sociétés.

Alors il faut parfois adapter ces règles quand elles sont contraires au but recherché mais liberté et protection doivent aller de pair sans quoi, méfions-nous de la réaction des populations qui parlent évidemment aux élus mais qui disent aussi des choses aux entreprises. Je voudrais en la matière saluer les initiatives d’UBER comme celles de DELIVEROO qui s’engagent à garantir à leurs chauffeurs et à leurs livreurs une protection sociale de bon niveau. Là encore, ça n’a rien d’anecdotique, c’est une initiative qui est à saluer, qui ne clôt pas le sujet, mais elle constitue un tournant, un tournant qui montre que la technologie et les plateformes ne riment pas forcément avec la précarité. Un tournant d’entreprises qui, après avoir navigué un peu aux limites, choisissent d’assumer leurs responsabilité et c’est bien ainsi.

Ce que votre groupe de travail souligne par ailleurs, c’est que nous avons besoin de vision et de référentiel commun et que nous devons donc, pouvoirs publics et entreprises privées, travailler de manière encore plus rapprochée.
Enfin un vrai progrès, on peut en discuter, mais c’est un progrès dont on anticipe dès maintenant les conséquences ou en tout cas un progrès dont on ne se désintéresse pas des conséquences qu’il pourrait avoir. Je ne suis pas sûr qu’on puisse anticiper toutes les conséquences d’un progrès mais je suis certain que si on ne réfléchit pas aux conséquences d’un progrès, alors on peut avoir un problème : conséquences sur l’environnement, conséquences sur la protection sociale, conséquences sur la sécurité des Etats, sur celle des individus, conséquences sur les opinions publiques et sur les systèmes politiques qu’ils ont librement choisis, conséquences sur la démographie, conséquences liées au développement, on l’a vu, des fake news.

D’où un défi là encore, celui de la formation, celui de la formation des générations à venir. Le ministre de l’Education nationale, Jean-Michel BLANQUER, lui aussi s’appuiera sur les recommandations que vous avez formulées mais s’inscrit déjà dans cette logique. Nous devons éduquer par la technologie mais aussi éduquer à la technologie. Nous devons repenser notre système éducatif, former les formateurs, profiter des opportunités technologiques pour être à la fois en mesure de bénéficier de ces produits et en même temps de les expliquer, de les contextualiser, d’apprendre à s’en servir, d’apprendre à les questionner, de ne jamais perdre, au-delà de la technologie et de la facilité qu’elle permet, le bon sens, le questionnement, le doute puisque nous, Français, savons que lorsque nous doutons, nous pensons et lorsque nous pensons, nous sommes.

Difficile, Mesdames et Messieurs. J’aurai cité beaucoup de philosophes, je vais terminer par un poète, c’est Paul Valéry, un poète français qui disait qu’  » il fallait se garder d’entrer dans l’Histoire à reculons« . Et bien gardons-nous d’entrer dans l’Histoire et dans l’histoire de cette transformation du monde à reculons, regardons-là en face, saisissons-la comme une opportunité, vous l’avez dit, mesurons à la fois les questions qu’elle pose, les opportunités qu’elle offre, appuyons-nous sur l’expérience, discutons-en, mélangeons les expériences, celles des entrepreneurs, celles de tous les pays du monde, celles de ceux qui sont à des responsabilités politiques, pour qu’ensemble, nous puissions à la fois innover pour le bien commun, comme l’indique ce kakemono, mais aussi préparer le monde dans lequel nous avons envie de vivre.
Merci.
Discours de M. Edouard PHILIPPE Premier ministre – Clôture du Sommet Tech For Good- 23.05.2018

Author: Redaction