Analyse politique

Ci-dessous, mon entretien de ce jour avec le site Atlantico sur la situation politique de la France aujourd’hui.

  1. Quels sont les points sur lesquels la droite d’une part et la gauche de l’autre vont pouvoir s’opposer à coup sûr à Emmanuel Macron, y compris chez les « constructifs » ? Quelles sont les thématiques politiques sur lesquelles les différentes oppositions vont pouvoir réagir face à LREM ?

L’élection à la présidence de la République d’Emmanuel Macron remonte à un peu plus d’un mois et les élections législatives n’ont pas encore eu lieu. Le chef de l’Etat nous dit-on, a réalisé un « sans faute » sur sa communication, notamment internationale. Mais il est difficile d’anticiper sur ce que sera son quinquennat et comment les oppositions vont devoir se positionner par rapport à lui. Nous assistons en ce moment à une déflagration sans précédent se traduisant par la désintégration de la classe politique. Les électeurs semblent avoir une seule idée en tête : la table rase. Pour l’instant, LREM est le réceptacle de cette grande vague nihiliste soulevée par l’euphorie médiatique de l’élection de M. Macron. Une force centrale sortie de rien et réunissant des personnalités aussi disparates peut-elle devenir le socle d’une nouvelle réalité politique ? Seule l’expérience permettra de le dire. Les oppositions ne pourront retrouver une identité qu’en fonction de la suite des évènements. Le danger est évidemment une poussée des extrémismes contre la force centrale que représente LREM et le succès de positions démagogiques et irréalistes à droite comme à gauche. Pour éviter ce scénario catastrophe mais vraisemblable, les oppositions modérées devront se réinventer totalement. Par le plus grand des paradoxes, LREM, censé incarner la recomposition est une force conservatrice, reflétant l’attente des milieux privilégiés, mais qui ne propose aucun changement fondamental sur la démocratie nationale et de proximité, le fonctionnement des institutions, l’organisation et le fonctionnement de l’Europe, l’Education nationale. Il appartient aux oppositions de s’emparer du besoin de transformation en profondeur de la société sur ces sujets.

2. Est-ce que la droite n’est pas plus handicapée que la gauche pour assumer un statut d’opposition crédible ? En quoi le positionnement d’Emmanuel Macron, tant sur les thématiques économiques sécuritaires ou même d’éducation s’orientent plus vers un « droitisation » de LREM qui pourrait priver la droite de moyens de rebonds ?

Là aussi, pardon, mais il est extrêmement difficile de répondre à cette question à ce stade. Le « positionnement » n’est pas une fin en soi. Si le positionnement n’est pas suivi d’actes et de résultats, même droitier, il apparaîtra comme une manipulation éphémère, une de plus, replongeant la France d’ici deux ans dans une nouvelle vague le dégoût de la politique. En revanche, il est certain que si le nouveau pouvoir réussit concrètement dans la lutte contre le chômage, s’il parvient à apporter des réponses effectives, réelles, aux inquiétudes des Français sur la violence quotidienne, sur le terrorisme, sur la maîtrise des flux migratoires, sur les difficultés des cités sensibles et à mettre fin au communautarisme, à résoudre la crise de l’éducation nationale, alors, ce sera la fin définitive de l’opposition de droite modérée. Disons plutôt qu’un parti dénommé LREM prendra la place de la droite républicaine et les Républicains disparaîtront. En effet, la droite traditionnelle, celle des Républicains, dès lors n’aura plus de possibilités de rebond, elle disparaîtra absorbée dans LREM. Le scénario du succès n’est évidemment pas le plus probable au vu de l’histoire et de l’expérience, mais qui peut dire aujourd’hui avec certitude comment les choses vont tourner ?

3. Que reste-t-il à la droite et à la gauche de leurs idées de « prédilection », ou « habituelles » qui n’aurait pas été repris par « En Marche ! » ? Avec tant de reprises, est-ce qu’il n’y a pas un risque d’engendrer des confusions chez les électeurs ? 

La confusion est déjà totale, absolue ! De nombreux électeurs classiques de gauche se retrouvent sincèrement dans le vote LREM mais de nombreux électeurs traditionnels de droite s’y retrouvent tout autant et avec la même sincérité. Alors, peut-on parler d’un élan d’unité nationale ou d’un triomphe de l’enfumage permettant à tout le monde de se retrouver ? C’est la confrontation avec les réalités qui permettra de répondre à cette question. Il y a des sujets fondamentaux, qui se trouvaient au cœur des préoccupations des Français, mais qui sont occultés en ce moment par l’euphorie médiatique de l’élection présidentielle. Le plus crucial, conditionnant tous les autres, est celui de la fracture démocratique entre la France dite d’en haut et la France dite d’en bas. 88% des Français pensent que les politiques ne se préoccupent pas de se que pensent les gens comme eux selon le sondage annuel CEVIPOF sur la confiance. Or, il est impossible de gouverner efficacement et durablement un pays sans la confiance et le soutien populaire. Au-delà de l’euphorie médiatique du jour, les événements actuels ne font qu’amplifier cette fracture. Le succès de l’équipe actuelle a l’apparence d’une revanche de la France dite « d’en haut », fédéraliste, parisianiste, sans frontiériste, libérale au plan économique et libertaire, sur la France dite « d’en bas », provinciale, rurale, conservatrice, parfois qualifiée de « populiste ». Comment surmonter et résorber cette fracture ? Les élections législatives ne vont rien arranger. D’après les sondages, LREM, avec 30% des suffrages et un taux d’abstention de 60% devrait emporter la majorité absolue. En gros, un cinquième de l’électorat (20%) disposera des quatre cinquièmes des sièges de députés… Situation absurde, totalement anti-démocratique. Le système politique traverse une crise aiguë. Sa présidentialisation à outrance se traduit par une flambée du culte de la personnalité. Désormais, l’émotion collective autour de l’image personnelle d’un homme écrase les sujets de fond. Le Parlement, symbole et creuset du débat démocratique, est réduit à l’état de simple annexe élyséenne. La vie politique donne le sentiment de se réduire à une bulle émotionnelle qui s’éloigne toujours plus loin du monde des réalités. Comment rétablir la démocratie en France, par la transformation des institutions et du code électoral, par l’usage raisonnable du référendum, par le pouvoir de proximité ? Si j’étais un responsable politique de l’opposition, de droite comme de gauche, voilà le sujet dont je me saisirais en priorité.

Maxime TANDONNET

 


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Author: Redaction